À la Namur Dental Clinic, nous suivons de près les évolutions du système de santé belge, car elles touchent directement notre pratique et, surtout, nos patients. La récente loi-cadre des soins de santé, portée par le ministre fédéral Frank Vandenbroucke (Vooruit), fait beaucoup parler d’elle. Présentée comme une réforme visant à rendre les soins plus accessibles tout en maîtrisant un budget colossal de 45 milliards d’euros, elle suscite des inquiétudes majeures dans le secteur dentaire. En tant que dentiste non conventionné à Namur, je souhaite vous expliquer cette loi, ses implications pour la dentisterie, et partager notre point de vue sur le conventionnement – un choix que nous assumons pleinement pour garantir des soins de qualité.
La loi-cadre : De quoi s’agit-il ?
La loi-cadre, approuvée en première lecture en juillet 2025, vise à réorganiser le système des conventions, ces accords qui fixent les tarifs des soins remboursés par l’INAMI (Institut national d’assurance maladie-invalidité). L’objectif principal est de réduire les inégalités d’accès aux soins en limitant les suppléments d’honoraires – ces frais supplémentaires que les praticiens non conventionnés, comme nous, peuvent appliquer. Le ministre Vandenbroucke veut s’attaquer aux dérives : certains professionnels facturent des honoraires très élevés, rendant les soins inaccessibles pour les familles modestes. Avec un budget des soins de santé en constante hausse, l’État cherche aussi à contrôler les dépenses tout en préservant la qualité.
Concrètement, la version initiale de la loi proposait des mesures choc : plafonner les suppléments à 25 % pour les consultations (comme chez le dentiste) et à 125 % pour les hospitalisations ; supprimer le conventionnement partiel (où un praticien applique partiellement les tarifs officiels) ; et renforcer le pouvoir de l’État dans les négociations avec les professionnels, avec des sanctions possibles pour les non-conventionnés. Ces propositions ont déclenché une levée de boucliers. Les syndicats médicaux (comme l’ABSyM) et les associations dentaires, dont la Société de Médecine Dentaire (SMD), ont dénoncé une « étatisation » du système, menaçant la liberté des praticiens. Après des protestations, notamment une grève massive le 7 juillet 2025, le ministre a revu sa copie : les plafonds stricts ont été abandonnés, le conventionnement partiel partiellement rétabli, et un délai de deux ans a été accordé pour négocier. Malgré ces ajustements, le texte reste flou, laissant planer des incertitudes pour les dentistes et leurs patients.
Impact sur la dentisterie : Des défis spécifiques
La dentisterie est un secteur à part. Contrairement à d’autres disciplines médicales, les soins dentaires combinent prévention, esthétique et traitements complexes, avec des coûts souvent mal couverts par l’INAMI. En Belgique, seuls 48 % des dentistes sont conventionnés, appliquant les tarifs officiels. À la Namur Dental Clinic, nous avons choisi de ne pas être conventionnés, et je vais expliquer pourquoi ce choix est crucial pour maintenir la qualité de nos soins. La loi-cadre, en poussant vers un conventionnement généralisé, pourrait bouleverser notre pratique.
Initialement, la suppression du conventionnement partiel aurait forcé les dentistes à choisir : soit adhérer pleinement aux tarifs INAMI, soit rester libres mais sous pression accrue. Cela poserait problème, car les soins dentaires varient énormément. Par exemple, les tarifs fixes de l’INAMI ne tiennent pas compte de ces différences. En imposant un prix unique, on risque de standardiser les soins, au détriment de leur qualité. Les ajustements de juillet, qui réintroduisent une certaine flexibilité, sont un pas dans la bonne direction, mais ils ne résolvent pas tout.
De plus, la dentisterie fait face à une pénurie imminente : un quart des dentistes partira à la retraite d’ici cinq ans dans certaines régions. Si les revenus sont plafonnés, les jeunes praticiens pourraient être découragés d’investir dans ce métier exigeant. Pourtant, avec le vieillissement de la population, la demande de soins dentaires explose. La loi promet un accès accru aux soins, notamment pour les 20 % de Belges bénéficiant d’interventions majorées (remboursements plus élevés pour les bas revenus). C’est une bonne intention, mais sans un budget dentaire renforcé – 839 millions d’euros en 2013, toujours insuffisant – cela reste illusoire.
Notre position à la Namur Dental Clinic : Pourquoi nous restons non conventionnés
À la Namur Dental Clinic, nous avons fait le choix de ne pas être conventionnés, et ce pour des raisons éthiques et pratiques. Ce choix ne vise pas à maximiser les profits, mais à garantir des soins de haute qualité, adaptés à chaque patient. Voici pourquoi :
- Les coûts réels de la dentisterie moderne : Les matériaux (comme les composites pour les obturations ou les implants high-tech), les technologies (scanners 3D, lasers), et la formation continue coûtent cher. Être conventionné nous obligerait à rogner sur ces investissements, ce qui compromettrait la qualité. Les tarifs INAMI ne couvrent pas ces frais, et sans suppléments, nous ne pourrions pas offrir ces solutions avancées.
- Un prix juste, pas un prix fixe : Comme mentionné, un même soin repris de la même manière dans la nomenclature peut varier d’un patient à l’autre. Il peut demander un temps différent, des efforts supplémentaires, une quantité variable de matériaux, ou des techniques adaptées selon les spécificités du cas. Appliquer un tarif unique est injuste : cela pénalise les cas complexes et pousse à des soins standardisés. En étant non conventionnés, nous ajustons nos tarifs pour refléter le travail réel, parfois en demandant moins pour des cas simples, parfois plus pour des traitements exigeants. C’est une question d’équité.
- Éviter une médecine low-cost : Nous refusons de brader la qualité. Dans certains pays où les tarifs sont strictement plafonnés, comme sous d’anciens régimes communistes, les soins dentaires sont devenus médiocres, avec des matériaux bas de gamme et des délais interminables. En Belgique, forcer le conventionnement sans compenser les coûts pourrait mener à ce scénario. Nous voulons continuer à offrir des soins modernes, sûrs et personnalisés.
- Liberté et coercition : La loi-cadre, dans sa version initiale, donnait l’impression d’une coercition étatique. En menaçant de sanctions les non-conventionnés, elle limitait notre liberté de pratique. Les ajustements récents atténuent ce risque, mais nous restons vigilants. La dentisterie est un art autant qu’une science, et imposer des règles rigides pourrait étouffer l’innovation.
Certains dentistes abusent des honoraires libres, et c’est regrettable. À la Namur Dental Clinic, nous nous engageons à des tarifs justes, transparents et expliqués à nos patients. Nous ne cherchons pas à surfacturer, mais à couvrir nos coûts pour offrir le meilleur.
Réflexion : Une médecine gratuite pour tous, est-ce réaliste ?
La loi-cadre soulève une question de fond : voulons-nous une médecine entièrement gratuite ? C’est un idéal séduisant, mais irréaliste. Les soins dentaires, comme toute médecine de qualité, ont un coût. Les patients attendent des traitements modernes, rapides et efficaces, mais sont-ils prêts à payer pour cela ? Certains renoncent aux soins non par manque de moyens, mais par priorité : des vacances ou un smartphone passent parfois avant une visite chez le dentiste. À la Namur Dental Clinic, nous constatons que beaucoup de patients comprennent la valeur d’un soin bien fait et acceptent de contribuer, même modestement, pour une qualité supérieure.
Rendre tout gratuit risquerait de surcharger le système, d’allonger les délais et de dégrader la qualité. Les statistiques montrent que 38,6 % seulement des dépenses dentaires sont couvertes par l’INAMI, contre plus pour d’autres secteurs. Augmenter ce budget serait plus efficace que de forcer des tarifs bas. Nous plaidons pour un équilibre : des remboursements renforcés pour les plus démunis, mais une liberté pour les praticiens d’adapter leurs tarifs aux réalités du terrain.
Conclusion : Un dialogue à poursuivre
La loi-cadre de Vandenbroucke part d’une intention louable – rendre les soins accessibles – mais elle sous-estime les défis de la dentisterie : coûts croissants, pénurie de praticiens, et besoin de flexibilité. À la Namur Dental Clinic, nous restons non conventionnés pour préserver la qualité et l’équité des soins, tout en restant transparents sur nos tarifs. Nous appelons à une concertation réelle avec les dentistes pour éviter une réforme maladroite qui pourrait nuire aux patients. Que pensez-vous de cet équilibre entre accessibilité et qualité ? Nous sommes ouverts au débat !





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